PATRIMOINE: Notre-Dame de Paris – Quand Religion Recontre Laïcité

Le soir de l’incendie de Notre-Dame, Emmanuel Macron avait du mal à cacher ses larmes lors de sa brève intervention à la télévision. Une partie de Paris était en train de brûler et c’est un brasier qui devrait toucher chacun d’entre-nous.

L’incendie de la cathédrale souligne la fragilité de l’histoire, nous rappelle de manière intemporelle que nous devons apprendre à préserver notre passé pour assurer notre avenir, et nous enseigne l’humilité. Nous ne valorisons pas ce que nous avons, jusqu’au jour où nous ne l’avons plus.

Les flammes émanant de la flèche grandiose de la cathédrale ont menacé d’effacer la mémoire d’une vieille dame qui avait été témoin de grandeur et de décadence, d’obscurantisme et d’oppression, des Lumières et de la libération.

Notre-Dame est allé au-delà de la religion pour devenir une cathédrale du peuple. Nommée “temple de la raison”, à l’époque de la révolution d’un peuple, elle a survécu à la vaine tentative des masses de débarrasser la nation du christianisme. A cette époque les églises étaient utilisées comme des caves et les cloches servaient à fabriquer des canons. Après la révolution, la vanité humaine au sein de Notre-Dame n’avait plus de limites, comme en témoignent un empereur autoproclamé arrachant la couronne des mains du pape et une rencontre insolite entre le cardinal Suhard et le maréchal Pétain en 1944. 

Les pierres froides de la cathédrale ont survécu l’incendie, immortalisées par un manuscrit dépeignant un amour interdit et les sombres émotions de la foi. Quasimodo, l’exclu, regarde depuis le toit de la cathédrale, l’exubérance des masses rassemblées autour de la place où prostituées et vagabonds se mêlent à la foule. Ce jour-là, il avait capturé la belle Esmeralda, condamnée à mort, pour lui donner refuge dans la cathédrale. 

Le bossu de Notre-Dame est désormais en compagnie d’une autre demoiselle en détresse à qui il peut donner refuge. Les mèches brunes d’Esmeralda sont devenues les tresses dorées de Marianne. Le symbole de la République se retrouva un instant parmi les flammes de Notre-Dame aux côtés du monstre au cœur d’or, tous deux impuissants devant la tour effondrée de la cathédrale, mais déterminés à reconstruire un monument qui appartient à la fois à Dieu et au peuple.

La religion a finalement rencontré la laïcité. Les deux marchent main dans la main pour sauver un monument qui a toujours défié son époque. Aujourd’hui ne fait pas exception. La vieille dame, toujours blessée par ses brûlures, défiera une fois de plus l’autorité française. 

C’est [l’incendie] qui a laissé une entaille au cœur non seulement de la France et de l’Europe, mais aussi du catholicisme, car Notre-Dame de Paris fait partie de cette poignée d’endroits exceptionnels à travers le monde qui symbolisent la beauté et la profondeur de la foi irrésistible. – John L. Allen (éditeur Crux)

La situation est difficile pour Macron. Alors que les français souhaitent la reconstruction de leur cathédrale, certains se demandent pourquoi l’entretien de Notre-Dame n’a jamais eu lieu, bien que le risque d’incendie était bien réel et reconnu. 

Le choc et la tristesse du monde face à la destruction de Notre-Dame doivent faire place à la réflexion et à l’action. Il nous faut réfléchir à la question de savoir si nous devons prendre soin de notre patrimoine historique, s’il est plus important d’investir dans des complexes sportifs, le temps d’une compétition, ou de soutenir la préservation de nos monuments gothiques pour les générations futures. 

Notre-Dame doit renaître de ses cendres pour entrer dans une nouvelle ère, se souvenir du passé et embrasser l’avenir. Elle sera reconstruite par des hommes et des femmes du 21ème siècle, elle bénéficiera des progrès de la science, de la sagesse et de la raison des Lumières. Mais elle restera une vieille parisienne qui a tout vu et tout entendu. Et quelle que soit la technologie utilisée pour reconstruire Notre-Dame, quelque part sur le toit, il y aura toujours un bossu qui danse avec une gitane.