Oubliez les paroles réconfortantes de Boris Johnson qui nous rassure en nous promettant que les députés disposeront de suffisamment de temps pour éviter un Brexit sans accord. La prorogation du parlement britannique n’est rien d’autre qu’un affront à la démocratie. En retardant le discours de la reine jusqu’au 14 octobre, le premier ministre britannique ne fait rien de moins que contourner la démocratie. En prolongeant les vacances de Westminster, il a effectivement contraint le parlement britannique à accepter tout accord potentiel qu’il obtiendrait à Bruxelles ou à se voir imposer un départ de l’UE sans accord.
Je tiens à réaffirmer à mes collègues que les semaines précédant le Conseil européen des 17 et 18 octobre revêtent une importance vitale pour les négociations que je mène avec l’UE. Les États membres observent avec beaucoup d’intérêt ce que le Parlement fait et ce n’est qu’en faisant preuve d’unité et de détermination que nous avons une chance de parvenir à un nouvel accord pouvant être adopté par le Parlement. Entre-temps, le gouvernement adoptera l’approche responsable en poursuivant ses préparatifs en vue de la sortie de l’UE, avec ou sans accord. – Boris Johnson
Après un référendum plus que douteux, le Royaume-Uni a voté à une faible majorité pour quitter l’UE, mais pas comment ni quand la quitter. Les britanniques n’ont certainement pas été invités à voter pour quitter l’UE sans accord préalable. En utilisant le discours de la reine pour retarder le travail du parlement britannique, Boris Johnson refuse aux élus la possibilité d’examiner de près les actions du gouvernement et d’exprimer leur volonté en s’opposant à un Brexit sans accord pour lequel le gouvernement n’a pas de mandat.
Selon Boris Johnson, les activités se déroulent normalement. Il a tellement de choses qu’il veut faire pour le pays qu’il aime, qu’il est obligé d’attendre que la reine prononce son discours pour pouvoir continuer. Comment parler de “normalité” dans le contexte du Brexit?
Le geste de Boris Johnson est plus personnel qu’autre chose. Dans les livres d’histoire, il veut qu’on se souvienne de lui comme premier ministre churchillien qui, à une époque de crise politique et sociale sans précédent, a défendu la démocratie en battant l’ennemi à lui tout seul. Ce faisant, il vient de dire à Westminster, la “mère” des parlements, de “fermer sa gueule!”
La démocratie est un outil trop précieux pour être manipulé ou subir un manque de respect. Partout dans le monde, des milliers abandonnent leurs vies ou la liberté en son nom, tandis qu’en Occident nous faisons preuve de lassitude ou n’apprécions pas sa valeur réelle.
Si Boris Johnson est si déterminé à satisfaire la volonté du peuple, il ne devrait rien faire de moins que de demander à ce même peuple quelle est sa volonté en 2019. J’étais convaincu qu’un deuxième référendum n’était pas la solution politique au rêve philosophique du Royaume-Uni et diviserait le peuple britannique encore plus. Après avoir vu un chef politique ne pas contrôler un processus démocratique et son successeur ignorant totalement ce même processus, je pense qu’un deuxième référendum avec l’option du maintien dans l’UE est le seul moyen de sortir de l’impasse.
Un deuxième référendum ne peut plus être un choix binaire de quitter l’UE avec ou sans accord, où aller contre la volonté du peuple exprimée en 2016 aurait été dangereux et ne servirait que de preuve que le référendum de 2016 n’aurait pas du se dérouler dans cette forme. Ce qui a changé, est que la démocratie a été altérée par l’imposition d’une sortie de l’UE sans accord, transformant la volonté du peuple en politique politicienne. Vues les circonstances et le manque de respect des hommes et femmes politiques vis-à-vis de leurs électeurs, le peuple britannique a bien le droit de changer d’avis et de revenir sur sa décision.
Le fait de regarder Boris Johnson prendre en main le destin du Royaume-Uni sans un mandat approprié m’a fait comprendre que le Royaume-Uni a besoin plus que jamais d’une issue de secours qui le protègera des irresponsabilités d’une poignée de conservateurs qui n’ont pas tracé l’itinéraire que le pays allait suivre.
Nous sommes loin du monde de Platon où les Philosophes Rois étaient considérés comme les seuls capables d’inventer de nouvelles lois pour régir les villes. Les députés des temps modernes servent leur électeurs et mettent en œuvre des programmes politiques qui sont présentés à ceux et celles qui les élisent pendant les campagnes électorales. Boris Johnson a raison lorsqu’il dit que le gouvernement devrait organiser le Brexit au nom de la démocratie, mais il n’a aucun mandat concernant la nature du Brexit qu’il va réaliser.
Winston Churchill est sans aucun doute le héros de Boris Johnson. Rester ferme pour la démocratie est la devise selon laquelle un “non-accord avec Hitler” est réincarné sous la forme d’un “non-accord avec l’UE”. Les conséquences de rester ferme importent peu, car l’esprit du Blitz est encore bien vivant. Les Britanniques l’ont déjà fait une fois et peuvent le faire une fois encore sans la bénédiction des Français et autres continentaux indignes de mériter la confiance des citoyens de sa Gracieuse Majesté.
Le référendum de 2016 visait essentiellement à “reprendre le contrôle du pays”. S’inspirant de l’un des moments les plus célèbres de Winston Churchill, “Jamais, dans l’histoire de la politique britannique,”reprendre le contrôle du pays” n’a été souhaité par tant de gens, mais réalisé par si peu d’entre eux.”