Franglais De Naissance – George Ou Georges?

Un article paru dans le journal britannique “The Observer” présente un documentaire réalisé par le journaliste et producteur français Benjamin Carle. Dans son documentaire, il tente de se mettre à la place d’un Anglais pour voir ce qu’il aime à propos des sujets de sa gracieuse Majesté et savoir s’il peut se considérer comme un Franglais.

Et bien, je suis fier que, sans que ce soit de ma faute, je puisse lui dire exactement ce que cela fait de se sentir pris dans les trop fréquentes tempêtes qui se déroulent dans la Manche. Je n’ai jamais vraiment cherché à savoir si je suis plus anglais que français, après avoir vécu toute ma vie en étant les deux. Le Brexit m’a fait rejeter une grande partie de mon sentiment d’être anglais, mais au fond, cela me rend vraiment triste de voir un pays que j’aime, déchiré en mille morceaux pour trois fois rien.

Benjamin Carle s’en prend à la cuisine anglaise, évidemment. Je n’avais jamais vraiment compris à quel point la cuisine anglaise était horrible, ma mère étant française, et ayant mangé de la cuisine provençale au cours de ma plus tendre enfance à Londres. Ce qui me rapprochait le plus de la cuisine anglaise, c’était le rosbif du dimanche, mais même à ce moment-là, il avait été préparé par quelqu’un qui savait cuisiner. J’ai goûté avec plaisir la vrai cuisine anglaise lors de ma visite dans le Norfolk il y a quelques années. Nom d’un chien, la purée de petits pois et les haricots verts encore crus sont redoutables pour mon estomac à la française. Benjamin Carle a raison, mais a le culot d’insulter ceux qui mangent le redoutable “Marmite.”

 

Pour ceux qui ne l’ont jamais rencontré sur un toast, Marmite ressemble davantage à un produit de bricolage et laisse un goût dans la bouche qui dure jusqu’au lendemain de la nuit d’avant. Mais j’adore le Marmite et je suis tellement heureux de l’avoir ici aux Pays-Bas, ce qui n’est pas surprenant puisque mon Marmite bien-aimé est produit par Unilever et non à partir de fruits cueillis dans un verger du Kent.

Son choix du Liverpool FC en tant qu’équipe à suivre est plutôt malheureux, mais je suppose que je dois être heureux que ce ne soit pas Manchester United, étant un supporter de City depuis l’âge de 10 ans !! Venant de Londres, il n’était pas très logique que je devienne un supporter de City, mais que voulez-vous – c’est l’humour anglais!

Suis-je ambivalent et confus? Probablement – mais il faut s’y attendre quand sur un passeport je suis “George” et sur l’autre, “Georges”! Bien que je n’ai jamais écrit mon prénom avec un “s,” une chose est sure – lorsque je suis frustré par une conductrice (oui, c’est sexiste) qui respecte toutes les limitations de vitesse, j’ai tendance à crier “connasse.”

Être franglais n’est pas toujours évident et cela ne me donne certainement pas un sentiment d’appartenance. Au contraire, cela me donne l’impression d’être coincé au milieu de deux modes de vie, de deux types de comportements – bref, de deux cultures – ce qui explique parfaitement pourquoi je vis aux Pays-Bas. Je n’ai qu’à regarder à gauche pour voir l’Angleterre et en bas pour voir la France. Cela m’a également amené à réfléchir à ce que nous avons tous (ou n’avons pas) avec l’UE – en particulier, son habileté fulgurante à mélanger les nationalités.

Je suppose que ce sont nos années formatrices qui déterminent nos affinités culturelles. Cela fait maintenant 20 ans que je vis aux Pays-Bas et, bien que mes compétences linguistiques me permettent d’apprécier pleinement le mode de vie néerlandais, je n’aurai jamais la même affinité que les Néerlandais pour la culture néerlandaise, la bicyclette étant une exception notable. Cela ne m’aide peut-être pas de parler le néerlandais avec un accent et de me tromper en écrivant. J’essaie d’améliorer constamment mon néerlandais mais je dois avouer que je préfère de loin lire l’anglais ou le français.

Certaines choses acquises à la naissance feront toujours partie intégrante de votre personnalité. Ma prédéliction pour le Marmite et mes jurons en français définissent qui je suis. Je garde un sens de l’humour très britannique, tout en écoutant les Grosses Têtes de RTL chaque fois que je le peux. Personne ne peut changer cela, pas même mon fils néerlandais. Quand je suis allé avec lui à Amsterdam assister à un match de foot entre les Pays-Bas et la France, il soutenait “Oranje” et j’ai eu l’audace de continuer à soutenir “Les Bleus.” Bien entendu, mes vrais problèmes commencent lorsque l’Angleterre joue contre la France, même si la moitié de ce que je suis ne peut pas perdre.

Dire que le Brexit ne me blesse pas au plus profond de mon psyché serait un mensonge. J’ai de la chance parce que mon passeport français me permet de continuer comme d’habitude et qu’il n’y a aucune chance que mon diplôme de l’Université de Londres devienne soudainement non reconnu (ils n’oseraient pas, n’est-ce pas?). Mais ça me fait encore mal parce que mon expérience d’être franglais m’a appris que “l’union fait la force.”

En outre, les Français et les Anglais ont des choses plus importantes à faire que de se quereller au sujet de leurs similitudes et d’exploiter leurs différences.

Différences? Quelles différences?