Piangendo Per Te, Italia (Pleurant Pour Toi, Italie)

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Alors que l’Italie se verrouille un peu plus, il semble que les italiens soient piégés dans un autocuiseur qui est sur le point d’exploser.

J’essaie de penser à autre chose en regardant des vieilles émissions, sur YouTube, me rappelant ma jeunesse. Ce n’est pas de la nostalgie, mais cela me fait oublier mon cabinet dentaire qui s’est temporairement arrêté, mais n’est pas encore mort.

Le répit est de courte durée. Dès que les vidéos se terminent, et que le silence envahit la salle de séjour, je cherche des statistiques inquiétantes sur le net, en espérant que l’Italie a atteint le pic de l’épidémie. Mais ce n’est pas le cas, malgré le verrouillage qui a commencé le 8 mars. Le tempérament italien n’aide pas. Les Italiens sont notoirement résistants aux directives qu’ils doivent suivre, et sont allergiques à l’autodiscipline. L’âge moyen de la population – un peu plus de 45 ans – n’aide pas non plus.

Mais pourquoi subissent-ils un tiers des décès dus au coronavirus dans un monde où 7,7 milliards de personnes vivent côte à côte? Un tel nombre de morts serait atroce partout, bien sûr. N’oublions pas que tant de personnes meurent dans le monde et ce sont des morts qui ne nous affectent pas. À titre d’exemple, combien de personnes meurent chaque année du paludisme, un chiffre que nous ne connaissons pas, et qui nous importe peu? Nous ne sommes pas émus, car le paludisme ne choque pas les Européens de la même manière que le coronavirus. Le virus a pénétré nos terres et se propage beaucoup plus près de chez nous.

Mes pensées planent au-dessus des Alpes et atterrissent dans un pays dont le contour ressemble à celui d’une botte en cuir. Mais pas n’importe quelle botte, cependant. L’Italie est une terre qui, malgré ses défauts et ses lacunes, représente un pilier invisible de ma culture – tout ce qui est français en moi, est dérivé de Rome. Il n’y a pas deux pays plus proches que l’Italie et la France, en matière de culture et d’histoire.

Le lien inextricable entre les deux, remonte au tout début de ce que les historiens appellent les «temps modernes». Charles VIII rassemble une armée en 1494 et se dirige vers Naples, où il est proclamé roi. Il rentre en France, permettant au royaume de Naples de retomber entre les mains des Italiens. Son retour est non sans avoir acquis des artisans et des artistes italiens pour travailler à la cour.

François Ier revendique ses droits sur le duché de Milan, dès son accession au trône. La victoire à Marignan permet à la France de reprendre pied en Italie.
L’Italie était un pays divisé à la fin du moyen-âge, avec de nombreux États en concurrence les uns avec les autres. La République de Venise prospère grâce à son commerce avec l’Orient. Les richesses servent à soutenir des artistes travaillant pour la gloire des princes, des villes et des marchands. À Florence, Milan, Rome et Venise, les peintres, sculpteurs et architectes construisent un nouveau monde basé sur l’héritage éternel de la Grèce antique, et l’humanisme nouvellement découvert. Avec les découvertes scientifiques, c’est la Renaissance – le monde renaît.

Je me souviens avec tendresse des vacances d’été que j’ai passées à Nice chez ma grand-mère. En l’écoutant parler dans le dialecte local, pendant des heures, j’ai compris le Niçois, un mélange d’Italien et de Français. Giuseppe Garibaldi, né à Nice en 1807, définit son “Nizzardo” comme un dialecte italien avec quelques influences occitanes et françaises, et pour cette raison promeut l’union de Nice au Royaume d’Italie. Nice se sépare du comté de Savoie. Par un traité conclu en 1860 entre le roi de Sardaigne et Napoléon III, le comté de Nice est rendu à la France, en récompense de l’aide française dans la seconde guerre d’indépendance italienne contre l’Autriche.

De tels liens et interactions culturels sont complexes, se répercutent sur la façon dont un enfant grandit, et sont difficiles à comprendre complètement. Mais ceux qui ont grandi, comme moi, sous une influence multiculturelle, sauront exactement de quoi je parle. Ce qui se passe en Italie m’affecte parce que, d’une manière lointaine, l’Italie fait aussi partie de qui je suis et a influencé ma façon de penser.