J‘ai eu une chance inouïe de pouvoir faire mes études scolaires dans un lycée qui, au fil des années, est devenu une école de renommée internationale. Le Lycée Français de Londres, rebaptisé “Lycée Français Charles de Gaulle” en 1980, à la mémoire du fondateur de la Cinquième République, est devenu un symbole du système d’éducation “à la Française”, et un fer de lance de la langue française, hors de l’hexagone. Telle a été la demande pour une scolarité française dans la capitale britannique, qu’une autre école a été ouverte en 2015 (Lycée Français de Londres Winston Churchill) et a accueilli plus de mille élèves dès la première année.
La place privilégiée du français vient de ce qu’il a toujours offert au monde quelque chose de clarifié – Jacques de Lacretelle (écrivain français 1888-1985)
Chaque langue a ses qualités propres. Étant parfaitement bilingue (Anglais-Français), j’ai la chance de pouvoir apprécier les manières communes que les langues utilisent pour se construire, ainsi que leurs particularités qui reflètent la culture qu’elles représentent. Au Lycée, j’ai appris l’Italien comme deuxième langue (en fait c’était une troisième langue). J’ai même appris le Niçois – dialecte de la région de Nice, dans le sud de la France – en écoutant pendant des heures ma grand-mère parlant avec sa sœur. Quand on a huit ans, on apprend de tout. C’est un dialecte que je comprends mais que je ne pratique pas.
Après avoir terminé mes études dans une université londonienne, j’ai vécu quinze ans à Saint-Etienne, dans la Loire. Il est dit que c’est une ville où l’on pleure deux fois – une fois en arrivant, une fois en partant. Je n’ai pas pleuré car mes décisions de m’y installer et de partir ont été des décisions prises en toute liberté. J’ai aimé la cité forézienne, et elle restera à jamais gravée dans mon cœur.
J’étais loin de savoir que je n’en avais pas fini avec les langues. Par une belle journée ensoleillée, en 1998, je suis tombé éperdument amoureux d’une ville qui brille de par son goût de vivre et sa tolérance d’autrui – Amsterdam. Il ne restait plus qu’à apprendre le Néerlandais. Aujourd’hui c’est une langue que je maitrise, mais sans plus, car le Français reste ma langue de prédilection.
Moi qui pensais en avoir terminé avec les langues, une fois pour toutes, me voilà marié à une péruvienne. Un trésor Inca avec qui j’ai appris les bases de la langue du Pérou, importée des conquistadores, et qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de Cervantes.
De toutes les langues que j’ai apprises, le Français reste la langue que j’apprécie le plus. C’est sans doute lié au fait qu’avec l’Anglais, ce sont les langues de ma tendre enfance. Mais le Français demeure la langue qui me permet le mieux de réfléchir. Bien que la grande majorité des articles que j’écris sur mon blog soit écrit en Anglais, les textes sont le plus souvent inspirés de textes que je lis en Français. L’ Anglais reste, bien sûr, la langue internationale et attire une audience bien plus large que le Français. Mais le Français restera pour toute l’éternité, la langue de Molière et des Lumières.
Pour Gabriel de Broglie, membre de l’Académie Française, le Français exprime une continuité,
Cette continuité, cette force aussi engendrent, avec le poids de la littérature qui nous précède, un français moderne héritier non seulement de la clarté mais d’une conséquence de la clarté, qui est l’abstraction. Le français moderne est une langue plutôt abstraite. Mais surtout le français tend à l’abstraction du langage. Il possède des qualités d’expression, de transmission, de précision et de synthèse qui ont fait qu’il a été pendant quelques siècles la langue mondiale de la diplomatie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais cela a été le cas jusqu’en 1914, précisément pour ces raisons-là.
Sujets, verbes, compléments d’objets directs et indirects, tout cela était, pour moi, d’une fascination étonnante. Au Lycée, autant j’étais le dernier de la classe en calcul, ne sachant pas calculer combien de temps il faudrait pour qu’une vieille dame achète un bahut à crédit, autant j’étais le premier de ma classe en grammaire, et de loin. Alors que les autres parlaient de “complément d’objet direct du verbe être,” en se posant la question “quoi?” après le verbe, j’avais très vite compris qu’il s’agissait, en réalité, d’un attribut.
La langue française donne l’avantage à l’activité intellectuelle sur les impressions et les sentiments, à l’abstraction sur le mouvement des faits. Elle offre probablement le meilleur outil au service de la pensée, de la raison. – Gabriel de Broglie
Le français, à lui tout seul, est la langue qui représente le mieux, l’esprit de Lumières, l’égalité des hommes, et l’abstraction faite des religions comme pouvoir politique. En même temps, il a su conserver toute la romance et la poésie qui définissent ce que c’est d’être humain.
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie!
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! Nulle trahison?
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine!
Paul Verlaine
Vous qui étudiez le Français, “Bon vent!”
Attention à la grammaire, car dans la langue de Molière, se sont souvent les exceptions qui confirment la règle. Et ça, c’est bien français!