Nous Devons Tous Faire Comme Charlie Hebdo

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Pourquoi j’ai quitté plusieurs groupes Facebook

 

J’ai écrit beaucoup de choses à propos du Brexit. Pas étonnant, je suis un “Franglais” né à Londres, ayant vécu en France, et vivant depuis 20 ans aux Pays-Bas. Pas étonnant, non plus, que j’ai pleuré comme une madeleine le lendemain de ce scrutin malheureux du mois de juin 2016, référendum auquel je n’ai pas eu le droit de participer. Inutile de vous dire que l’Union européenne est dans mon sang, dans mes gènes. Mais au lieu de déprimer complètement, je me suis mis à écrire, notamment sur le Brexit, ce qui m’a permis de me ressaisir.

Comment l’UE a balayé les droits des citoyens britanniques sous le tapis (publié dans la presse néerlandaise)

 

 

D’après les réactions sur Facebook, certains de mes écrits étaient bien appréciés, tandis que d’autres l’étaient moins. Je ne démens pas que, de temps en temps, des erreurs de jugement ne se soient pas glissées dans mes écrits. Mais c’est la nature même d’un blog, me semble-t-il. Le blog n’est-il pas une plate forme où l’on peut s’exprimer en toute liberté, et où les erreurs ou provocations peuvent être débattues assiduement par ceux qui vous lisent? Oui, à condition que les commentaires ne vous reviennent pas enrobés d’un épais papier d’insultes.

 

 

A l’instar de Charlie Hebdo, j’ai osé m’attaquer à un dieu, à une religion

 

 

Cette semaine, j’ai reçu des attaques personnelles au sein de trois groupes Facebook qui malgré tout partagent mes opinions sur la folie du Brexit. A l’instar de Charlie Hebdo, j’ai osé critiquer un dieu, de m’attaquer à une religion. La religion est celle d’un fanatisme européen caractérisé par le désir de voir une Europe fédérale, quel qu’en soit le prix à payer. Le Dieu, victime de mes insultes, n’est pas moins que le président du Conseil européen, Donald Tusk. Ce n’était pas mon intention de critiquer Donald Tusk en tant qu’homme, mais seulement ses propos, se demandant à quoi pourrait ressembler l’enfer pour toutes les personnalités politiques britanniques qui ont osé prêcher le Brexit sans avoir un plan pour l’avenir du royaume.

J’en avait simplement assez d’hommes et de femmes politiques comme Donald Trump et Marine Le Pen, qui disent tout et n’importe quoi. En Angleterre il y a la totalité des partisans du Brexit qui fait de même. Faut-il maintenant que Donald Tusk s’y mette à son tour? Qui plus est, ses propos religieux m’ont fait penser aux propos non moins fanatiques de l’église catholique, aux temps des découvertes et de la raison.

Donald Tusk a certes le droit de s’exprimer comme il le souhaite. Mais a-t-il le droit de dire des conneries déplacées, sur la place publique? Si oui, j’ai le droit de critiquer, comme toi qui me lis, d’ailleurs. Que cela plaise ou non, si la liberté d’expression va de soi, la critique aussi, cette dernière étant la condition de la vie libre.

Bien souvent, on ne se rend pas compte de l’importance d’une chose jusqu’au jour où elle disparaît. Je ne m’étais jamais intéressé à Charlie Hebdo, jusqu’au 7 janvier 2015. Comme la plus grande partie de la terre, j’ai été choqué, abasourdi. Ma réaction n’a pas été immédiate, certes, mais depuis 2017 j’ai souscrit un abonnement Ipad à ce bon vieux Charlie qui défie la chronique.

Nous devons nous battre corps et âme afin de défendre cette liberté de critiquer et de s’opposer, devenue si fragile devant les menaces incessantes de l’intégrisme et du fanatisme religieux ou autres fanatismes. De la même façon qu’il est impensable que l’on puisse tuer pour des idées, il est inconcevable que l’on puisse empécher des critiques qui choquent les uns et dérangent les autres. Dans un esprit voltérien, je ne suis pas d’accord avec tes critiques mais je me battrai jusqu’à la mort pour que tu puisses les exprimer.

En 2016, la député du parlement britannique, Jo Cox, a perdu la vie pour avoir défendu des idées et critiqué ses opposants. Elle a été assassinée par un malade mental qui a pris les propos démagogues de quelques personalités politiques irresponsables pour des réalités – rendre l’Angleterre aux Anglais. Est-ce que la mort est le prix à payer pour contester et critiquer des propos tenus par des hommes et femmes politiques enragés et irresponsables et, pour Charlie Hebdo, pour des dessins critiques et moqueurs laissant apparaître un sens d’humour parfois écolier?

Liberté d’expression, certes. Mais en politique, la liberté d’expression sur la scène publique doit s’arrêter lorsque la responsabilité envers les autres est engagée. Oui, les propos de Donald Tusk ne témoignaient que d’une frustration immense à l’égard d’un pays qui ne sait pas ce qu’il veut ni où il va. Sa curiosité de savoir à quoi ressemblerait la place en enfer pour la classe politique britannique partisane du Brexit sans penser ã l’avenir, n’était qu’une image, une métaphore. Mais rappelons nous l’affiche de Nigel Farage, homme d’extrème-droite et l’un des artisans du Brexit. Cette image terrifiante d’une horde de réfugés syriens se dirigeant tout droit vers les fins-fonds de l’Angleterre, et les deux mots qui ont couté la vie à Jo Cox  – “Breaking point” (point de rupture). 

Les politiques doivent s’en tenir à leurs responsibilités dans le poids des mots qu’ils utilisent et le choc des photos qu’ils publient, surtout dans l’espace public. On ne sait jamais quel malade mental au coin de la rue écoute les mots et regarde les photos. Quant aux critiques, elles doivent être à la hauteur de la bêtise des discours politiques et de la violence au nom des religions. La bonne nouvelle est que plus les discours politiques et la violence religieuse sont cons, plus Charlie a raison et tient bon.